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10) Mansouhra: la chute.

 

Après notre fulgurante victoire qui a permis la prise de Damiette, deux options sont discutées au conseil de guerre qui précède l’entrée en campagne: les sages, les meilleurs stratèges proposent de prendre Alexandrie afin d’étouffer le commerce égyptien, la perte de ce port devant entraîner celle du Caire à brève échéance.

 Mais Robert d’Artois, « le mauvais génie de la croisade » parvient à convaincre le roi de se diriger vers Le Caire, afin de frapper l’Egypte au coeur. L’ordre du temple qui a envoyé un fort contingent commandé par Guillaume de Sonnac, grand maître et le maréchal du Temple Renaud de Vichiers se range à cette option.

Notre armée prend le chemin du Caire le 20 novembre 1249. L’émir Fakhr al-Dîn organise de nombreuses escarmouches pour harceler les croisés. Le 7 décembre 1249, six cents cavaliers musulmans nous attaquent  entre Fâriskûr et Sharimsâh; Ils sont repoussés, mais malgré l’interdiction de Saint Louis de se lancer à la poursuite des soldats qui battent en retraite, les Templiers voulant venger l’un des nôtres  tuent la moitié des assaillants. Le 21 décembre, notre armée arrive à proximité de Mansourah et installe un camp, régulièrement attaqué par les musulmans. Pour attaquer la ville, il faut franchir un bras du Nil, le Bah al Saghir, mais Fakhr al-Dîn tient fermement l’autre rive. Ayant appris d’un déserteur bédouin l’existence d’un gué à Salamûn, quelques kilomètres en aval, Saint Louis et son armée traversent le Bahr al-Saghîr le 8 février 1250. Le comte d’Artois est l’un des premiers à mettre le pied sur l’autre rive et, malgré les conseils de prudence des Templiers, se met à charger le camp musulman, suivi par les Templiers qui ne peuvent l’abandonner. Le camp est investi, Fakhr al-Dîn tué et l’armée en déroute. Mais, au lieu de faire acte de sagesse et d’attendre l’arrivée du reste de l’armée royale, Robert d’Artois se met en tête d’investir Mansourah. Il s’engage dans la ville et se rue vers la forteresse, toujours suivi des Templiers, dont mon maître, qui avaient tenté de le raisonner ; malheureusement pour eux, les musulmans s’étaient regroupés autour d’un chef mamelouk, un certain Baybars, qui organise la contre-attaque; toute notre avant-garde est massacrée, ce jour-là; trois cent chevaliers périssent ainsi, misérablement, dont Robert d’Artois et frère Gilles avec deux cent quatre-vingt templiers; une poignée de survivants peut forcer les barrages et rejoindre les divisions du roi; Jocerand et moi même échappons de peu à la boucherie, en faisant retraite à temps.
Les Mamelouks, ayant défait l’avant-garde, chargent maintenant l’armée croisée qui achève la traversée du gué. Le régiment d’arbalètriers, seul capable de s’opposer aux archers musulmans, et l’infanterie n’ont pas encore traversé la rivière qui est malgré tout profonde pour ses soldats à pied. Pour éviter l’anéantissement de sa cavalerie, saint Louis lui ordonne de charger les Mamelouks. Il reprend pour peu de temps l’avantage, mais subit de nouveau les assauts musulmans. Ce délai permet aux arbalétriers de jeter un pont de fortune, de franchir le gué, et de repousser la cavalerie mamelouk. 
Saint Louis fait doubler le pont, et l’infanterie traverse à son tour le Bahr al-Saghîr. Le 11 février, l’armée musulmane attaque de nouveau l’armée franque et est repoussée après une bataille très rude, mais le vent tourne pour les croisés. L'accumulation des morts entraîne des épidémies, et le nouveau sultan, Tûrân Châh, qui se trouvait en Mésopotamie à la mort de son père, arrive à Mansourah le 28 février et organise la défense. Il fait venir des bateaux qui repoussent la flotte croisée sur le Nil. En plus des épidémies, c'est la disette qui frappe notre armée , et Louis IX se résout à battre en retraite le 5 avril.
L’avant-garde de l’armée arrive à Fâriskûr, son arrière-garde est à Shâramsâh avec le roi, lequel est gravement malade et doit se réfugier dans une maison de la bourgade, défendue par Gaucher de Chatillon. Les barons syriens, avec Philippe de Montfort à leur tête, décident de parlementer avec les chefs musulmans pour négocier l’échange de Damiette contre la vie sauve des soldats croisés, mais un sergent du nom de Marcel, circonvenu par des émirs, trahit : il se présente auprès des barons syriens comme un envoyé de saint Louis et les incite à se rendre au nom du roi (6 avril 1250). Embarrassé par le nombre de prisonniers, les musulmans massacrent les blessés, mais un accord est conclu entre Tûrân Châh  et saint Louis, échangeant la vie sauve et la liberté de l’armée croisée contre Damiette et une rançon de 500 000 livres tournois.
C’est alors qu’un événement vient remettre en cause ces accords : le précédent sultan était peu apprécié de son peuple et de ses soldats mamelouks et son fils, peu connu, passe pour être incapable. La colère gronde et les officiers mamelouks tuent Tûrân Châh le 2 mai 1250 après l’avoir poursuivi toute la journée et prennent le pouvoir en Égypte. Après avoir hésité à égorger tous les prisonniers, les Mameluks décident de reprendre à leur compte l’accord de libération des prisonniers. Cependant, et malgré la venue au monde de Jean Tristan, la reine Marguerite de Provence  réussit à conserver Damiette (jusqu'au 6 mai 1250). Pour la rançon, Louis IX demande une avance aux templiers et devant le refus de ces derniers, doit envoyer le sénéchal de Joinville sur les nefs templières pour prendre l’argent de force. Libéré, saint Louis quitte l’Égypte le 8 mai et aborde à Saint Jean d’Acre le 13 mai.

Louis IX en Terre sainte
Malgré son échec, saint Louis est reçu allègrement par les chrétiens d’orient   surtout les maronites libanais  qui viennent à Saint Jean d’Acre  par milliers pour le saluer. Il est vrai qu’il se soucie du sort du royaume et ne compte pas rentrer en Europe aussitôt après avoir rempli l’obligation de combattre contre les musulmans. Sans sa présence, les chrétiens du Levant ne peuvent compter que sur la protection de leur roi Conrad II, fils de l’empereur Frédérice II, qui reste au loin en Germanie  et qui est ouvertement islamophile et allié de l’Égypte. La présence de Louis IX représente un espoir non négligeable face aux Mamelouks, beaucoup plus fanatiques que leurs prédécesseurs ayyoubides. 
Aussi, malgré la demande de la régente Blanche de Castille, qui souhaite revoir son fils et lui rendre les destinées du royaume de France, malgré le conseil de nombreux barons qui veulent rentrer, saint Louis décide d’entamer en Syrie un séjour qui va durer quatre ans. Bien que les droits à la couronne du royaume de Jérusalem  soient détenus par les Hohenstaufen, saint Louis est considéré comme le souverain du royaume pendant son séjour.

Fortifications d'Acre.
Le royaume de Jérusalem se trouve momentanément en paix, car Al-Nasir Yusuf, émir ayyoubide d’Alep, n’acceptant pas la prise de pouvoir des Mamelouks en Égypte, s’empare de Damas qui rejette la domination mamelouk, puis de Gaza et revendique le sultanat d’Égypte. Il envahit l’Égypte, mais est battu à El’Abbâsa  le 2 février 1251. Pour le roi Louis IX, la question se pose de savoir à qui s’allier. Les Ayyoubides lui envoient une ambassade qui se montre très intéressante, car avec Damas ils ont repris le contrôle de Jérusalem qu’ils proposent de céder, mais le roi ne peut pas conclure ouvertement une alliance, car les Mamelouks retiennent encore de nombreux prisonniers croisés qui pourraient alors être exécutés. La situation permet au roi d’envoyer un ultimatum à l’Égypte et d’obtenir la libération des prisonniers sur la simple promesse de ne pas s’allier aux Ayyoubides. Finalement, entre l’Ayyoubide qui tient Jérusalem et qui commence à faire preuve d’incapacité et les Mamelouks qui promettent la rétrocession de Jérusalem quand ils auraient reconquis l’émirat de Damas, Louis IX choisit de s’allier aux Mamelouks en mars 1252. Mais la guerre entre les Mamelouks et les Ayyoubides inquiète les dirigeants musulmans qui craignent un affaiblissement des leurs en Syrie face aux Francs, et Al-Musta’sim, calife de Bagdad, intervient et impose la paix entre les deux ennemis, réduisant à néant les espoirs de Louis IX de récupérer Jérusalem. 
Mais l’œuvre de Saint Louis en Terre sainte ne s’arrête pas à cette politique extérieure. Dès son arrivée, il décide de renforcer les défenses de ce qui reste du royaume de Jérusalem. Il renforce les fortifications de Jaffa, Saint Jean D’Acre, Césarée et Sidon. Ces actions montrent rapidement leur bien-fondé car peu après la paix entre les Mamelouks et les Ayyoubides, une troupe de Bédouins en garnison à Gaza pour le compte de l’émir de Damas évacuent la ville conformément aux traités et repartent vers le nord en passant à côté de Jaffa. Quelques escarmouches les opposent aux arbalétriers chrétiens, mais si le bourg n’avait pas été fortifié, il aurait probablement été pillé et saccagé, car ils pillèrent quelques villages avant d’assiéger en vain Saint Jean D’Acre, puis de piller la ville basse de Sidon dont les fortifications n’étaient pas achevées. En représailles, les chrétiens tentent de prendre Panéas, mais échouent. 

Louis IX octroie à Bohémond VI le droit d'écarteler son écu avec les lys de France.
Saint Louis doit cependant renforcer l’autorité royale dans un royaume qui a appris à se passer d’un roi depuis vingt ans et tente de mettre au pas les ordres militaires du Temple et de Saint Jean de l’hospital qui ne relèvent que du pape mais avaient tendance à se considérer comme quasiment indépendants. Il intervient également dans les affaires de la principauté d’Antioche et écarte Lucienne de Segni qui ne veut pas mettre fin à la régence. Il confirme Bohémond VI  comme prince, et négocie un traité qui met fin entre l'antagonisme entre la Petite Arménie et Antioche. 
Pour contrer la paix et l’alliance entre les Mamelouks et les Ayyoubides, il amorce un rapprochement avec les Ismaëliens  et envoie une ambassade auprès du Khan mongol de Perse. Cette action n’aboutit pas, car Louis IX est déjà reparti en France au retour de l’ambassade, mais cette démarche est à la base de l’alliance  entre les khans mongols, le royaume de Petite-Arménie et la principauté d’Antioche dans la décennie qui suit.
Retour
Sa mère Blanche de Castille,  à qui Louis IX avait confié le royaume avant de partir en croisade, meurt le 27 novembre 1252. Il diffère pourtant son retour, le royaume en paix n'imposant pas sa présence immédiate. Il n'embarque à Saint Jean d’Acre que le 24 avril 1254, laissant derrière lui Geoffroy de Sargines, nommé sénéchal du royaume, assisté d’une centaine de chevaliers et d’une centaine de sergents.
Bilan de la croisade
Même si la septième croisade n’a pas atteint le résultat escompté, elle n’est pas sans conséquence pour les États latins d’Orient, ni sans importance. L’échec de la campagne d’Égypte est à imputer à l’inexpérience des croisés en matière de politique orientale. L’action de Saint Louis en terre sainte a été déterminante pour la survie du royaume. Il a apporté une stabilité à ce royaume qui se passait de roi depuis vingt ans et était déchiré par l’anarchie féodale. Face au nouveau danger mamelouk, il a renforcé les défenses des places fortes chrétiennes et a amorcé une politique d’alliance, qui aurait pu porter ses fruits si elle avait été suivie. 
Mais, bien qu’il ait laissé un représentant derrière lui après son départ, le royaume retombe rapidement dans l’anarchie, et le conseil des barons est incapable de s’entendre pour négocier une alliance avec les mongols, lors de leur invasion de 1260. L’anarchie sera telle que lors de l’extinction de la dynastie des Hohenstaufen, le nouveau roi Hugues III de Chypre  ne parviendra pas à s’imposer dans le royaume.
Après quatre ans de croisade nous allons enfin rentrer au pays je vais retraverser la Méditerranée et retrouver mon cher pays de Martailly, ma femme, mon fils et ma forge, mes forêts et ma vigne; notre garnison est basée  à Ascalon en attente de la flotte qui doit nous ramener en occident. Je cours les rues de la cité et j’interroge tout le monde; je cherche toujours mon frère disparu à la bataille du gué de Jacob; j’ai entendu dire par un vieux croisé rescapé de la chute de la citadelle que certains templiers épargnés par les combats, ont été relâchés par les musulmans après leur capture, à condition de se convertir, et si par la grâce de Dieu, il faisait partie des rescapés, mon coeur veut y croire.

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