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13) Retour.

Le retour à Ascalon se déroule sans encombres, mon frère boiteux à cause d’une vilaine blessure reçue au siège du gué de Jacob, est  juché sur Jason, tandis que je mène l’étalon à la bride. Il me plaît de ramener mon frère à la maison nous sommes tous deux vétus à la mode arabe, et nous pouvons passer inaperçus aux milieux des villageois qui pourraient avoir envie de s’en prendre à des envahisseurs francs.


Yves me raconte ses campagnes: la reprise de Jérusalem aux sarrasins, les batailles à Jaffa à Gaza, son combat héroïque  lors du siège de la citadelle du gué de jacob, seul contre huit assaillants, le coup de sabre reçu à la jambe, sa capture, sa conversion forcée sans quoi on l’égorgeait, sa rencontre avec la foi de Mahomet, sa découverte  avec un maître de la philosophie des soufis.
Je ne me lasse pas de l’écouter, j’aimerais que le chemin dure des jours.
Au bivouac du soir j’évoque les mes propres combats aux côtés de sire Jocerand, la bataille éclair de Damiette, celle perdue de Mansourah, Yves me demande de lui parler de notre pays natal, des filles du village qu’il a toutes eues, sans parler des villages alentours, à la fête des moissons, ou à l’occasion des vendanges, nous jouissons de l’instant nous adressons une prière à nos dieux respectifs, et nous rendons grâce pour ces instants bénis des retrouvailles devant un feu de branches d’olivier.
Je lui conte mon travail à la forge, la venue quotidienne des chevaux du canton pour être ferrés, les socs de charrue à forger et tous les outils des paysans et des vignerons, les serpes, les pioches les sarcloirs, au printemps quand reprennent les travaux aux champs, après le long sommeil de l’hiver, le bruit du marteau sur l’enclume qui résonnait à l’autre bout du village.
Je lui raconte encore cette fameuse histoire racontée maintes fois par mon père à la veillée, qu’il connait par coeur mais qu’il veut entendre encore; vieille légende de notre pays natal sur les méfaits des sires de Brancion.
Presque tous les Brancion se sont croisés, Bernard Gros II prit même deux fois la croix, et ce n'était pas trop pour expier un forfait dont la légende a perpétué le souvenir.
 Le terrible baron assiégeait le château fort de Lourdon appartenant à l'abbaye, et mettait tout le pays à feu et à sang. L'abbé lui envoya un messager porteur de pieuses remontrances, avec menace d'anathème s'il continuait ses exactions.
Bernard alors entra dans une épouvantable colère. Il fit attacher le moine ambassadeur à la queue d'un bœuf qu'on rendit fou en lui allumant un fagot entre les cornes. L'animal exaspéré par la douleur devint enragé; il fonça tête baissée à travers les bois en poussant d'affreux beuglements, et accrocha lambeau par lambeau, aux ronces des halliers, le corps de la malheureuse victime.
Bernard ricanait; mais la nuit il fut réveillé tout à coup par des bruits souterrains semblables aux mugissements 
d'un bœuf affolé : il sauta de sa couche, tendant l'œil et l'oreille : tout reposait autour de lui, et la forêt dormait dans l'épaisseur des ténèbres.
Et le bœuf continuait de mugir en lui. Alors il comprit et fit vœu d aller en Palestine. Revint-il ? On ne sait. Mais immortelle est la voix du remords, car, aujourd'hui encore, pendant les nuits d'orage, aux flancs d'Huxelles et de Brancion, les gens du pays racontent que l'on entend beugler le bœuf enragé, et certains même assurent l'avoir entendu à diverses reprises en passant devant la "beurne de la garaude", grotte dont l'orifice débouche à la rencontre du chemin de Royer et de Martailly.
Nous nous sommes endormis tard sous la voûte étoilée, la nuit fut  courte, et nous repartons au petit matin, moi à pied Yves sur Jason, le ciel est pur, limpide, un aigle tournoie haut dans le ciel d’azur et crie, 
Sur le chemin d(Ascalon c’est au tour de mon frère de me conter une histoire

Il était une fois, un petit garçon, du nom de Morad il vivait dans une modeste chaumière À l’orée de la forêt de pins, et de cèdre près de l’Euphrate.
 

Ce petit garçon était doué d’une grande sensibilité il sentait l’âme des êtres et des plantes, il sentait en lui la germination des graines encore enfouies sous la terre, la puissance de la sève qui irrigue les arbres, la macération des fluides qui font éclore les bourgeons
Il sentait le moindre parfum de fleur à peine éclose, les exhalaisons des terres fraichement labourées
Ces forces puissantes et irrésistibles de la nature, il les ressentaient à l’oeuvre en lui même, des tressaillements dans ses reins, des démangeaisons, des tiraillements le parcouraient et le poussaient à s’unir à ce grand mouvement de la vie qui s’éveille après la longue nuit de l’hiver.
C’était donc un soir de printemps qu’il écoutait les bruits du soir à la fenêtre du fenil: le cri de la chouette en chasse, le tu du hibou, le coassement des grenouilles au loin dans une mare ou un fossé….
C’était un de ces soirs uniques et magiques ou le portail de la réalité s’entrouvre sur le merveilleux et le fabuleux pour ceux qui savent voir avec le coeur….
Et le merveilleux s’entrouvrit….
Alors qu’il était sur le point de s’endormir, bien calé dans l’embrasure de la lucarne, une chouette effraie vint se poser tout à côté de lui, elle ne resta pas mais en s’envolant elle le frôla de son aile silencieuse et laissa tomber une plume blonde et blanche.
Colin s’en saisit, et la porte à ses narines et aussitôt son âme libérée de son corps s’envole dans l’air doux de cette nuit de fin avril où une demi lune scintillante éclaire les champs et les chemins d’une belle lumière pâle et dorée.
L’enfant vole littéralement accroché à sa plume magique qui le guide à la cime des arbres près de la chaumière puis au faitage des masures du village tout proche…..
La plume est comme enchantée, elle l’emmène maintenant au firmament parmi les myriades d’étoiles et de galaxies, puis elle redescend sur terre, mais fait voyager Morad dans le temps, l’enfant revoit et revit toute sa courte existence: les semaines passées, les mois puis les années, égrenant les merveilleux souvenirs de son enfance heureuse et insouciante.
Il revit sa naissance et son premier cri puis égrène et visite la longue litanie des visages de ses parents et aieux pour aboutir au premier matin du monde:
Colin est devant une grande vallée fertile inondée d’un soleil levant éblouissant chaud et doré; au beau milieu coule une rivière bordée d’aulnes et de peupliers, où une nuée d’oiseaux de toutes espèces chantent et piaillent 
Ce jardin d’Eden regorge de fruits de toutes sortes, d’une multitude de fleurs aux parfums délicats, de treilles et de pampres chargés de lourdes grappes mûres et odorantes …..
Une jeune fille arrive nue, à la longue chevelure blond roux, cueille de sa main blanche, une belle grappe de raisins bleus au jus rouge sang, et la tend à Morad.
Les deux enfants se délectent sans un mot des grains sucrés et juteux, la jeune fille le prend par la main et l’entraîne dans un grand champ de blé presque mûr, ils marchent longuement dans le froment blond et odorant 
La plume de Colin les entraîne à nouveau dans les airs, les deux enfants survolent la plaine fertile, les champs fraîchement labourés, les vignes les vergers et les Bois.
Il survolent les forêts amazoniennes, l’Himalaya et les déserts de sable.
Ils arrivent au Tibet, ou un vieux moine les attend, depuis mille ans
Ils leur raconte alors cet histoire de mendiante et de génie:
Il était une fois un jeune garçon, Champi, qui gagnait sa vie dans la rue car son père était trop pauvre pour le nourrir lui et ses frères.
Un jour qu’il jouait du fifre devant le temple de la ville, une très vieille mendiante lui demande l’aumône; or l’enfant n’a pas encore gagné un yuan, mais il lui propose la moitié de son maigre morceau de pain.
Aussitôt la vieille se transforme en génie, et remercie le garçon pour sa générosité.
Grâce à son don gratuit, Champi s’en est attiré les bonnes grâces, ce dernier lui propose de faire trois voeux qui se réaliseront immédiatement.
Champi le « généreux » demande alors au génie d’exaucer les trois voeux suivants:
1°) »Voir mes parents et mes frères manger à leur faim tous le jours ».
Aussitôt le garde manger de la famille est rempli de victuailles, et de mets délicats tous plus appétissants les uns que les autres.
2°) « Donner un abri à tous les miséreux de la ville » Aussitôt les portes s’ouvrent et chaque mendiant de la ville se voit invité par une riche famille.
3°) « T’avoir, toi génie, à mon entière et seule disposition, jusqu’à la fin de mes jours ».
Et c’est ainsi que par sa simplicité, sa sagesse et un peu de ruse, Champi devint le plus heureux des hommes…
 
Le jour va se lever , une lueur dans le rose du levant et la brume matinale au dessus des bois, indique une très belle journée de printemps à venir.
A la fin de la journée nous arrivons en vue du camp des croisés sous les remparts d’ Ascalon, Nour et ses amis gitans nous attendent autour d’un feu de camp, les luths et les tambourins développent une douce mélopée, triste et nostalgique, je suis heureux, nous dansons jusque tard dans la nuit, je fais l’amour comme un loup affamé, à ma chérie jusqu’au petit matin, je rends grâce à Dieu et à la création.

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