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3)Aigues mortes.


Nous arrivons exténués, harassés et pousssiéreux en fin de journée au campement d’Aigues-mortes, en pleine effervescence.

 Je n’en crois pas mes yeux, des milliers de croisés sont déjà arrivés ainsi que leurs écuyers, les palefreniers et autres hommes à fourrage. Se trouvent également dans la région les constructeurs du port et de la ville ainsi que les marins des galères, huissières* et nefs* ; en tout une masse qu’on peut évaluer raisonnablement à quelques 70 000 hommes et 20 000 chevaux. La croisade campe jusqu’au delà de Maguelone, à 5 lieues* de là.
Au delà du port et des étangs, des dizaines de milliers de tentes, des multitudes de bannières , d’étendards, d’oriflammes et de gonfanons flottent et claquent au vent et s’étendent bien au-delà de l’horizon visible. Tous les grands seigneurs de France-la-Douce, les noms connus des grandes familles, les gentilshommes et barons venus de l’étranger campent quelque part dans les marais sur vingt kilomètres d’alentours.

Le port est tout juste achevé, la ville d’Aigues mortes est à peine ébauchée; sur la place Royale, dont les dimensions ont été tout juste mesurées, le son ­cristallin du burin sur la pierre couvre les conversations.

Descendus d’Alès depuis bientôt deux ans, les maçons cévenols s’affairent sur le chantier de l’église Notre-Dame-des-Sablons et sur celui du château. Heureusement, la tour de Constance est achevée. Entouré d’eau et relié à la ville par trois arches, l’édifice est prêt à recevoir Louis IX et sa suite.
Les émissaires du roi ont annoncé qu’il avait quitté Paris, avec son armada de croisés : 2 500 chevaliers, avec écuyers et valets d’armes, 10 000 fantassins et 5 000 arbalétriers ! Tremblez Sarrasins, la VIIe croisade est en route pour vous chasser définitivement de Syrie et de Palestine !
Il va s’installer dans une vaste demeure que les Templiers ont mise à sa disposition « l’oustaou dai Crousa » le logis des Croisés – il est accompagné de sa femme Marguerite de Provence, de ses deux frères Robert d’Artois et Charles d’Anjou.
Tous les grands seigneurs et barons de France sont déjà sur place ou doivent l’y rejoindre, des troupes croisées arrivent chaque jour, de toutes les provinces de France en ce début du mois de juillet.
Notre équipage est cantonné près de la chapelle de la Maguelone entre les chevaliers Gascons, du Rouergue et du Béarn, et ceux du Roussillon et du Lauragais.

J’ai fait la connaissance en chemin de deux compagnons maréchaux, francs buveurs et forts en gueule, pour lesquels je me suis lié d’amitié. Nous ferrons de concert à chaque étape les chevaux déferrés, et passons le restant de la soirée à parler de nos chères provinces que chacun a laissé derrière lui, tout en buvant du vin, donné à notre compagnie par les vignerons des côtes du Rhône et du Languedoc.

J’explique ainsi à mes deux compères comment j’ai été appelé à me croiser, lors de la messe des rameaux dans notre belle chapelle de Brancion, et comment Dieu m’est apparu à nouveau le jour de la passion de notre seigneur Jésus Christ, m’appelant à prendre la croix comme il l’a lui même portée.
Alors quand Messire Jocerand m’a demandé de l’accompagner sur les chemins de Palestine, c’est tout naturellement que j’ai accepté de laisser mon cher pays pour le suivre.
Nous devisons tard dans la nuit à la lumière des braseros avec les compagnons charpentiers et les tailleurs de pierres qui s’activent à construire la cité d’Aigues-mortes et à terminer l’aménagement du port.
Plus de sept cents bâtiments de mer doivent y charger provisions, chevaux et hommes d’armes tout en restant à l’abri d’une violence des flots.
Ceci représente déjà un énorme ouvrage, presque achevé celui-là.
De la ville et de ses remparts, on ne trouve que les deux premiers étages de la Grosse Forte Tour , principale défense du port. Mais il a fallu creuser le sol spongieux à vingt mètres de profondeur pour y planter les pilotis de soubassement. Le tour ne porte pas encore son phare mais il est prévu déjà, tel qu’il fonctionnera pour guider les navires.
Au pied de la « Grosse Forte Tour » battent les eaux de l’Étang du Port* tandis qu’au sud s’élargissent l’étang du Levant à droite et l’étang du Roy à gauche, puis encore vers l’ouest au loin, l’étang du Repausset. Ceux-ci possèdent un étiage suffisamment élevé, si bien que, d’une part, ils communiquent facilement avec la mer et, d’autre part, ils lèchent les limites d’Aigues-Mortes au sud et à l’est.
La flotte compte six à sept cents bâtiments. Les plus grandes nefs génoises arrivées au mois de juillet, le « Saint Esprit », le « Paradis », la « Lombarde » ont 32 mètres de long, 9 mètres de large et 8 mètres de haut avec deux sous ponts permettant ainsi d’entasser trois étages de passagers.
D’Arles et de Marseille viennent notamment la nef du roi la « Montjoie», amarrée côte à côte avec la « Reine » et la « Demoiselle ».
Mais tous les chantiers de Barcelone à Gênes ne suffisent pas et les hommes du roi doivent louer partout des bateaux complémentaires, particulièrement signer des contrats de nolis* pour les huissières*. Celles-ci, traînées sur les plages, ouvrent totalement l’arrière de leur carène et reçoivent les chevaux, logés sur deux étages, vastes écuries navigantes dans lesquelles les montures des croisés se serrent flanc à flanc.

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