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Le geyser.

Le geyser.

J’ai arrêté de travailler à 24 ans.
J’ai travaillé un peu à 7 ans, un peu plus à 8, et le dur est arrivé à 10 ans: rentrer le bois pour les poêles et la cuisinière,

donner à manger aux poules aux canards aux lapins, s’occuper de la petite écurie l’hiver, et de la grande: curer les vaches, sortir le fumier, descendre le foin du fenil, le distribuer aux vaches, raper les betteraves, les  mélanger à de la farine, faire boire les veaux au seau dans la petite étable qui n’avait pas d’abreuvoirs.

L’été: les foins les moissons et ses journées interminables, commencées à six heures et demi terminées au coucher du soleil.
L’automne: les pommes de terres à arracher, les betteraves, le maïs a cueillir dans les feuilles coupantes et urticantes des champs, le même maïs ensuite à effeuiller dans la grange lors des longues soirées d’automne.

La vigne, les vendanges, les futs à nettoyer et à souffrer, le vin à soutirer pour l’aérer, le bois à scier et à empiler en prévision de l’hiver, les vaches et leurs veaux de l’année à rentrer à l’étable et dans les stabulations.

L’hiver: les affouages, les vêlages, faire téter les petits veaux, l’effeuillage du maïs dans la grange à la veillée; le fumier à épandre dans les champs gelés...

Le printemps: les vaches à lâcher, les clôtures à réviser, les vaches laitières à emmener au pré, les garder tout en les laissant brouter le long des chemins… la vigne à débutter, puis à piocher les cassis à ramasser….
J’ajoute en toutes saisons, tuer les lapins, les poules les canards, sans oublier de servir la messe le dimanche…et les jours de funérailles.
A seize ans j’ai voulu prendre un peu d’indépendance et j’ai cherché du travail ailleurs.

Serveur de restaurant, ouvrier dans une laiterie, puis pompiste, déménageur, agent de coopérative agricole terrassier sur les chantiers de golf, gardien pour la foire exposition de Dijon, monteur de remorques, photographe dans la galerie marchande de « mammouth » et j’en oublie sans doute.


Donc après trois années de faculté et de nonchalance universitaire en « psychologie », sans résultat tangible, je décide  de m’inscrire au concours de l’ « Ecole Normale », à Mâcon….Inscription le dernier jour du délai imparti, à une demi heure de la fermeture des bureaux...La secrétaire n'a pas manqué de ma le faire remarquer.

Je suis reçu non pas brillamment,  mais reçu, et j’entame un formations de deux ans pour devenir « instituteur ».

De ce jour, je n’ai plus jamais travaillé de ma vie.
La première année fut une débauche d’énergie, nous étions trois compères, bandits joyeux insolents,  beaux
Et drôles.
Energie consacrée à préparer, organiser et réaliser des fêtes, des apéros,  des soirées, le plus souvent improvisées à la dernière minute.

Ce jour donc Vitu Vito et moi sommes d’accord pour frapper un grand coup, c’est la fin de l’année scolaire qui approche et nous angoissons à l’idée de devoir patienter deux longs mois avant de reprendre nos activités alcooliques et musicales.

En Général nous partageons les rôles: l’un cherche le lieu, généralement dans l’appartement soigneusement rangé d’une collègue de formation, le second est chargé de rameuter les heureux élus, triés sur le volet, ou plutôt choisis dans la plus grande improvisation.

Le troisième étant chargé de faire les courses, et de ramener de quoi tenir un siège en victuailles et en alcool.

Ce jour là, j’avais obtenu l’accord d’une belle brune, pas farouche mais un peu inexperte, pour festoyer chez elle, de plus j’avais déjà prévenu quelques amis , peu nombreux-une bonne dizaine- il est vrai que l’appartement ne comportait qu’une pièce.

Estimant avoir fait une bonne partie de travail, je demande à mes deux compères d’achever la préparation de la fête et d’aller acheter de quoi se sustenter.

Quelle n’est pas ma surprise de voir qu’aucun d’eux ne veut prendre en charge le boulot qui reste à faire.

J’ai trop besoin de faire la fête et trop envie de danser et de faire le chien fou, pour négocier, j’accepte donc de me charger des courses,  on me dit d’acheter ce que je veux, je prends donc ma 504 et je fonce au Leclerc et je ramène deux  kilos de cacahuètes à décortiquer, que notre ami Vito va préparer en salade avec une vinaigrette.

J'ai également pris soin de  ramener Whisky, Vodka, Gin et Coca en quantité raisonnable,  c'est à dire une bouteille par personne. 
Sans beaucoup de préliminaires la fête bat son plein; Dire Sraits, les Doors, U Two, Toto, Barclay Joe cocker, et Bashung font hennir les chevaux du plaisir, et François notre ami chalonnais a déjà du vent dans les voiles, il aimerait être un dur et compte sur l’alcool pour trouver l’inspiration et sentir le vent de la folie dans sa chevelure déja un peu dégarnie.

C’est pourquoi il boit vite et mal, et tangue dangereusement au bout d’une heure de fiesta; encore un verre, non pas proposé par nous, mais exigé par lui, et le voilà installé sur le canapé de Mireille, la charmante institutrice qui a l’insigne l’honneur de nous recevoir aujourd’hui.
Le gaillard, grammé à 2,5 voire 3g, à « vista de nariz »,  dort bien vite et se fait oublier par la dizaine de danseurs buveurs.


A un moment de relâche je m’approche de François, et inquiet, je demande à baisser la musique et m’approche du dormeur. Je suis rassuré, on entend sa respiration et sa poitrine se soulève à un rythme régulier.

Mais tout à coup cette poitrine se met à bouger et c’est le ventre qui ondule en se soulevant puis se rabaissant en rythme saccadé. Interloqués nous regardons notre ami, agité de spasmes en nous demandant ce qu’on peut bien faire…
François ne nous laisse guère le loisir de développer notre raisonnement et notre questionnement; les spasmes ont pris de l’ampleur et c’est un énorme geyser de vomi qui s’élève vers le plafond à plus d’un mètre de haut, et retombe en une belle corolle rose pâle…

Suivi à peu d’intervalle d’un deuxième jet aussi puissant mais moins liquide; autant vous dire qu’il baigne dans une mare de vomi parfumé à la cacahuète et au whisky….

Inutile de préciser non plus que nous sommes tous hilares à nous pisser dessus, ou à se taper le cul par terre, seul l’un d’entre nous ne rit pas: Secouriste, il met François sur le ventre, le retournant dans son vomi, et lui colle trois grandes claques dans le bas du dos, ce qui provoque un nouveau jet de dégueli plus modeste il est vrai.
Tous de s’esclaffer, effondrés autant par la fatigue que par l’alcool, nous ne pouvons plus arrêter les fous rires, et nous déshabillons notre ami pour le mettre sous la douche.

Les habits sont jetés ça et là pleins de vomi.
Nous lui remettons un pantalon grossièrement nettoyé et sa veste intacte, puis nous nous éclipsons de chez notre « amie » prétextant devoir ramener l’infortuné buveur amateur dans son lit douillet, et laissant Mireille avec son canapé odorant et reteint.
Nous avons couché François après  lui avoir fait boire un litre d’eau de force, nous avons vidé le frigo de notre ami du peu d'alcool qui lui restait, mais pour une raison qui reste obscure, nous n’avons plus jamais été invités chez Mireille...

Commentaires

  • Tu cites Lavillier "Onthe road again" On a tous déliré, en bonne camaraderie, à ne plus s'arreter, rire et rire encore, danser jusqu'au petit jour, chercher la limite , vivre dans l'instant et tout prendre . Tu as tout pris ,tu as tout gardé et tu sais parfaitement le rendre. A 50 ans , moins de surprise, on l'a déja vécu, cette insouscience, cette liberté, mais quel bonheur de regarder nos enfants s'y diriger tout droit. Et si tu veux écrire à 70 ans, alors il faut vivre à 50, differement mais pleinement.

  • Salut ysengrin bis, je crois deviner qui tu es sans en être bien sûr; vivre vivre, l'instant se fabriquer des souvenirs, rattrapper le temps perdu et se "remembrer" les bons moments, voila ce qui m'occupe ces temps ci; je sens que l'histoire te parle, tu en étais donc ....à bien tôt quand je sors de ma tanière .....

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