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L'histoire de Célestine et Xavier

"6 novembre 1918:
Le lieutenant nous dit que cette offensive est la dernière, les boches n'ont plus rien à manger, ils sont à ses dires, plus éreintés et plus désespérés que jamais, le ravitaillement ne leur arrive plus, et les munitions encore moins.
Tout le monde ici, veut en finir avec cette guerre, et espère être de retour avant Noël.

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Mon amour, si Dieu le veut, nous serons bientôt réunis à nouveau, le temps me dure de tes bras, de tes yeux rieurs, et de la maison.
Ton Xavier qui t'aime, et qui t'embrasse."

Ce sont les derniers mots que recevra jamais Célestine, de son amour, de son mari, les derniers mots qu'il écrivit.

Il y à quelques années de cela, une vieille cousine me demanda de l'aider à faire du tri dans son grenier. Elle vendait sa maison natale devenue trop grande, trop difficile à entretenir, pour se retirer en ville.
Je fis un ou deux voyages à la décharge, avec de vieilles frusques, quelques meubles vermoulus, des cartons de papiers à en tête de l'étude ou elle avait travaillé.

Je récupérai une commode Louis Philippe à trois tiroirs, branlante, au placage décollé, et mis le feu à une dizaine de cartons de vieux journaux et de magazines, "la vie du rail" et "témoignage chrétien", la collection complète . En fin de journée, elle me confia encore quelques vieilleries à jeter et un carton de vieux papiers.
Il se faisait tard, je chargeai le tout en promettant de le détruire dès le lendemain, ce que je ne fis pas.

Quelques années plus tard, en rangeant ma grange, je tombe sur la carton oublié, je jette un oeil sur les cartes postales jaunies, et je lis quelques unes des lettres, la plupart sont signées "Célestine ».

Des mots, des lettres, Célestine en a écrit des centaines, durant des mois pour tenter de retrouver la trace de son cher amour.

Elle en recevra également des autorités militaires, des services de santé, de la croix rouge, en réponse à ses demandes, et surtout de la part des camarades de Xavier.

Extraits:
"Madame,

je répond à votre lettre du 6 janvier que j'ai reçue.

Je faisais partie de la même section du 21ème bataillon, désignée , pour reprendre la cote 156, près de Saint Germain Mont, cet assaut eut lieu sous un déluge de feu de la part de l'ennemi et au bout de 10 minutes de course d'une cratère d'obus à l'autre, nous avons du décrocher et nous replier.

Je suis au regret de vous dire que durant ce repli, j' ai vu tomber, votre mari, à dix mètres, sur ma gauche, touché par un éclat d'obus, et se jeter, ou tomber dans un cratère, je ne l'ai pas revu depuis lors….."

 

"Madame,
….lors de notre repli devant la contre attaque des boches, j'ai bien vu votre mari, se relever et sortir d'un trou d'obus, mais il avait du mal à courir et les boches arrivaient très vite, il a reçu je pense deux ou trois balles, dans les jambes et peut être dans le corps…."

"Madame
... nous n' avons pas pu reprendre le secteur, je n'ai pas revu votre mari, et c'est une autre compagnie qui a relevé les morts et les blessés, à la tombée de la nuit.
Je pense que vous pouvez vous adressez au sergent Bontemps, lui et quelques auvergnats, étaient brancardiers dans cette compagnie, je vous joins son adresse ….."

"Madame, je reviens vers vous, au sujet de votre demande,

Le 6 novembre1918, il était prés de17 heures 30 environ, quand notre capitaine nous a envoyé relever les morts et les blessés de la cote 156, c'est moi qui ait entendu les appels de votre époux, avec le brancardier Vachet ; il nous a dit qu'il était bien amoché, mais il était conscient, et nous a parlé, mais nous avons du rebrousser chemin car les boches nous canardaient….."

Célestine mettra des mois à apprendre le sort de son amour, d'abord, qu'il a été sévèrement touché, puis fait prisonnier par les allemands et pris en charge par la croix rouge internationale.
Après des semaines de recherche et d'angoisse
elle apprendra enfin, que son Xavier est mort au poste de secours, touché au foie, le 10 novembre 1918, la veille de l’armistice.

Célestine est enceinte depuis la dernière permission de Xavier, sa petite s'appellera Marguerite.

91 plus tard Marguerite, au soir de sa vie, me demandera de brûler son passé.

Marguerite est morte le 30 octobre 2009.

Après les funérailles je rentrai à la maison un peu bouleversé.
Je repris le vieux carton où restait tout le bric à brac légué par Marguerite, quelques cartes de voeux de bonne année des années 50, un petit missel, à la couverture moisie, un chapelet en corne, et
un petit médaillon, au bout d'une chaînette, le tout en métal doré, à l'effigie de notre dame de Lourdes.

Je méditai devant ce pauvre attirail, résumé dérisoire d’une vie marquée par la guerre et l’absence d’un père. Je regarde le médaillon, je le retourne, il est oxydé et possède un petit fermoir, avec mon laguiole, je gratte un peu j'introduis la lame près du fermoir.
Le médaillon s'ouvre, à l'intérieur, une photo défraîchie, un visage d'homme au regard clair qui me fixe à 100 ans de distance. 
Au dos de la photo une petite écriture d'enfant:
"mon papa chéri, la vie n'est un songe, patience, dans l’attente que Dieu nous réunisse… »

Ainsi la vie n'avait été pour cette femme restée enfant, qu'une longue et patiente attente pour retrouver le seul amour de sa vie.

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