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La foire aux sauvagines.

La vallée de la Saône prolongée par celle du Rhône, est depuis l'antiquité, une voie de passage et de communication. Chalon sur Saône est située au carrefour des territoires du nord, de l'est et du sud, et c'est donc tout naturellement que cette ville a pris dès ses origines une vocation commerciale et que s'y sont installés des marchés, des entrepôts, des hostelleries et des relais de poste.

 

 

 


Image extraite de la vidéo ci-dessous.


Des quartiers entiers gardent les traces de cette activité, tel le "quai des messageries", sur la rive droite de la Saône, avec ses hautes portes cochères, ses cours pavées, et ses vastes entrepôts, ou encore l'actuelle place de l'hôtel de ville qui va devenir au moyen-âge, sous l’impulsion des ducs de Bourgogne, le terrain de grandes foires ducales bi - annuelles, qui feront la prospérité des ducs, drainant les marchands de toute l’Europe.
Cette place accueille encore le marché du mercredi, alors que l'autre place, saint Vincent, héberge les marchés du vendredi et du dimanche.
Se développant dès le XIIIe siècle, ces foires connaitront leur apogée à Chalon-sur-Saône au cours de la première moitié du XIVe siècle, avant de péricliter, essentiellement du fait de l’insécurité liée à la guerre de 100 ans dans tout le royaume.

Parmi ces foires et ces marchés, je veux vous parler de la plus originale.

Tous les ans à la même date, le 27 février, et ce depuis le moyen âge, se déroulait à Chalon sur Saône la plus grande et la plus fameuse des "foires aux sauvagines".

L'occasion pour tous les garde chasses, chasseurs, piégeurs , trappeurs et autres braconniers bourguignons mais également des régions limitrophes de venir déballer et vendre leurs peaux de fouines, de martres, belettes, renard, putois au poil fin, blaireaux, rat musqué, loutres, mais aussi peaux de chèvre, de mouton ou encore de lapins, et même de taupe.

Il fallait voir ces tronches de rudes paysans morvandiaux, ou du charolais à la moustache drue, les bressans au patois incompréhensible, les piégeurs franc comtois ou de l'Auxois, les trappeurs venus de Suisse ou de Savoie, les auvergnats madrés, arrivés la veille, ou au petit matin dans les brumes de cette fin d'hiver, époque où les fourrures sont d'autant plus belles et chères que l'hiver a été rude.
S'ajoutait à cette population rurale et paysanne, les revendeurs, chiffonniers, récupérateurs en tous genres,(qu'on appelait pattiers chez nous), parfois manouches ou gitans et puis les négociants et les fourreurs, les pelletiers, surtout parisiens même si Chalon a longtemps abrité un professionnel renommé de la fourrure, la maison Clément.

Mon père, dans les années cinquante, avait attrapé un chat sauvage au collet, qu'il avait appâté avec un morceau de poulet; en effet ce dernier venait régulièrement chaparder un lapin ou une poule à la ferme, qui jouxtait la forêt. Il avait confié la dépouille de la bête au garde chasse qui l'avait revendu à cette foire, je crois que cette affaire lui avait rapporté deux cent vingt cinq francs de l'époque,(donc anciens francs), ce qui n'était pas grand chose.

Le souvenir le plus tenace et le plus impressionnant de cette manifestation haute en couleurs, c'était l'odeur, une odeur forte et piquante de naphtaline, d'ammoniac, de musc, de civette, mélange d'odeurs animales et des produits de conservation qu'on avait appliqué sur les peaux, et que l'on sentait à une centaine de mètres à la ronde.

Dernière anecdote, j'ai rencontré un type qui a travaillé toute sa vie dans ce commerce de peaux et fourrures; il me confia que les négociations et les tractations étaient souvent acharnées, et que les coups fourrés, plus ou moins réguliers, étaient nombreux entre vendeurs, revendeurs et grossistes, avant que la vente ne se conclue par une tape virile entre les mains.
Certains, comme à la bourse, venaient les mains vides le matin, achetant et revendant un lot ou un stock dans la journée, et repartaient les poches plus ou moins pleines…
Dans la profession on considérait que les négociateurs les plus redoutables étaient les "grecs", et le dicton voulait qu'en affaire de peaux: "il faut deux juifs pour baiser un grec…".

Les écologistes, la modernité et la mode, ont eu la peau de la foire aux sauvagines en 1993, dernière édition de cette institution qui remontait au douzième siècle; nous restent ces quelques images surannées d'une France aujourd'hui disparue.

 

Vidéo: https://www.rts.ch/archives/tv/information/continents-sans-visa/3444179-foire-a-la-fourrure.html

 

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