Brèves de comptoir.
Un dimanche de fin juin, en fin de matinée, au bar du PMU, à Tournus :
Trois personnes, un couple la cinquantaine, et un homme, un peu moins âgé, devisent de tout et de rien, des petites choses de la vie, en sirotant un petit blanc local, je ne les connaissais pas, je leur ai donc attribué un nom fictif.
Tout à coup sans que je sache pourquoi, je tends l'oreille, mon ami aussi, car le ton monte un peu, la gouaille se libère et je sens que l'on va assister à quelque chose.
J'ai pris soin de retranscrire avec le plus de précision possible les expressions et les attitudes, et j'ai demandé à mon ami présent de relire mon texte et de corriger ou de compléter ce qui ne lui semblait pas fidèle à la scène.
Toine :
- Ah ben, tiens la Francine s'est fait arrêter par les gendarmes, jeudi dernier en revenant du marché à Louhans, elle avait pas sa ceinture, eh ben, pan, trois points en moins…
La femme
- Ah bon… ?
- Toine : et pis c'est qu'elle en avait déjà plus beaucoup des points, alors il suffit qu'elle se fasse choper encore une fois et pis c'est bon elle y'a droit…
- L'homme : Hein…. ?
- Toine. Ben oui , une supposition qu'elle fasse une connerie, n'importe, hop c'est bon, plus de points, plus de permis...
Devant l'air interrogatif des deux autres Toine renchérit :
- Suppose qu'elle grille un stop, en allant à Sennecey, au dentiste ou à l'Attac, elle y a droit, quatre points en moins…
- La femme : Où c'est qu'elle a grillé un stop ?
- Nulle part, j'te dis : "une supposition" qu'elle grille un stop…
- L'homme : Alors elle l'a grillé ce stop ou elle l'a pas grillé faudrait savoir ?
- Toine : Non mais vous comprenez pas ce que je veux vous dire, je dis : suppose qu'elle grille un stop….
- L'homme : où ça ?
- Toine : Ben…..tiens devant l'abbaye au coin du Greuze...
- La femme : T'as pas dit qu'elle l'avait grillé devant l'Atttac à Sennecey…. ?
Toine soupire longuement, on le sent agacé, il s'éponge le front, vide son verre de blanc.
- J'ai dit griller un stop comme j'aurais dit aut'chose : faire un excès de vitesse ou doubler sur une ligne blanche, bon allez oublie le stop….
L'homme, réfléchit longuement :
- Francine, c'est pas le genre, à faire des excès de vitesse , ça serait plutôt le contraire, il parait que l'aut' jour, Edmond l'a doublé avec son tracteur dans la descente d'Ozenay….
Toine :
- Mais bon Dieu de bon Dieu, puisque je vous dit que c'est une supposition, imaginez qu'elle fasse une entorse au code de la route, c'est pourtant pas compliqué, non, vous pouvez pas vous figurez çà ?
Silence, le couple boit à petits coups, dans ses verres, et n'ose plus mot dire.
Toine reprend :
- Une supposition : la Francine elle va chercher du vin à Chénas , c'est là qu'elle va chercher son beaujolais d'habitude, chez Bernard Grandjean, un gars qui fait bon ; bon, eh ben, elle revient de Chénas avec deux ou trois cubis de rouge, vous me suivez ?
L'homme :
- Oui…. et alors ?
- Bon mettons qu'elle se fasse arrêter par les gabelous...
La femme :
- Où ça qu'elle s'est fait arrêter ?
Toine :
- Mettons …..tiens à Romanèche Thorins, d'accord ?
L'homme :
- Ca m'étonne , elle prend pas tellement les nationales, la Francine avec sa chignole qui dépasse pas le soixante…
Toine :
- Bon d'accord, alors mettons elle se fait arrêter, euh…..tiens à Viré au rond point, les douaniers y sont tout le temps…Ok ?
La femme :
- Ah ben là d'accord, c'est déjà plus sa route…..
Toine :
- Bon, là t'as les gabelous : "bonjour Madame qu'est ce que vous avez dans votre coffre, on peut voir…"
L'homme :
- Oui eh ben ?
- Bon , la Francine elle ouvre son coffre, d'accord ?
La femme :
- Et après ?
Toine :
- Alors là, les douaniers lui disent : "dites donc Madame, vous avez le laisser passer pour votre cargaison ?"
Vous me suivez toujours ?
L'homme :
- Bon, mettons et puis ?
Toine :
- Eh ben, si jamais elle a pas le laisser- passer, les douaniers lui filent un procès, et les points du permis hop, y'en a plus.
La femme :
- Pourquoi donc qu'elle a pas pris un laisser passer ?
J'ai pas dit qu'elle avait pas de laisser passer, j'ai dit "une supposition", qu'elle l'a pas !
L'homme :
- Ouais alors elle l'avait y, où l'avait y pas ce laisser passer ?
Toine :
- Suppose qu'elle l'ait pas…
La femme :
- Je la connais bien la Francine, c'est pas le genre à aller dans le beaujolais sans rincer ses jerrycans, ni revenir sans laisser passer…
Toine
- Bon d'accord, mais admettons qu'elle l'ait oublié, chez Bernard, d'accord, en buvant le dernier coup, elle a bien pu le laisser sur un coin de table, ça peut arriver à tout le monde , Ok ?
L'homme :
- Oui, alors… ?
Toine : -Eh ben, devant les gendarmes, qu'est ce qu'elle fait…… ah ben mince pas de laisser passer, aller, une contre danse….
Les deux auditeurs gardent un silence dubitatif, se regardent…
Toine :
- Quoi, qu'est-ce qu'il y à ?
L'homme
- T'tal'heure……t'as dit que c'était les gabelous...
Toine :
- Oui et alors ?
L'homme :
- C'était les gabelous ou les gendarmes qui l'ont arrêtée, la Francine ?
Toine :
- Mais bordel de merde, on s'en fout que ce soit les gendarmes ou les douaniers, c'est pas ça que je veux vous dire, mais vous êtes bouchés à l'émeri ou quoi ?
La femme
- Ben faudrait savoir quand même, une fois c'est les gendarmes un fois c'est les indirects, moi je sais plus où on en est.
Le Toine se lève, fou de rage :
- Ah non de Dieu, mais vous êtes trop con, tiens je m'en va, j'en ai marre de parler avec des abrutis qui savent pas ce que c'est qu'une supposition, merde.
Les deux qui écoutaient le récit de Toine restent silencieux quelques instants, finissent leur verre de blanc, comme soulagés, d'être un peu tranquilles.
Au bout d'un moment La femme prend la parole :
- Ah le Toine on le changera pas, qu'est ce qui peut inventer comme conneries, pour faire l'intéressant !
L'homme lui répond :
- Ouais je crois bien que c'est de pire en pire, on se demande où qu'y va chercher tout ça,
Je suppose que tu reprends un verre...
Marcel, tu nous remets deux Chardonnay.
Image : http://images.allocine.fr/medias/nmedia ... 917860.jpg
Image(s):
Commentaires
super tes petites nouvelles ! bisous
content que ça t'ai plu bises