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8) Saint Louis et Damiette

 

Cela fait maintenant deux mois que j’ai quitté mon cher pays de Martailly, ma vigne, ma femme et ma forge, nous voguons sur la mer en direction de Chypre, sur une mer formée qui roule le Baucéant et fait claquer ses voiles.


La septième croisade est en route pour reprendre Jérusalem perdue en 1244, Tibériade et Ascalon tombées aux mains des sarrasins, et pour sauver la Syrie franque encerclée de toutes parts. Elle se fait à l’initiative d’un roi hors du commun, dont la déraison sublime lui fait préférer le sauvement des âmes, aux biens et aux richesses.En lui s’est rallumée la vieille flamme mystique des premiers croisés, cette ferveur avide, naïve, un peu folle qui les entraîne vers l’aventure lointaine, les sablerez les soleils implacables des déserts, pour l’amour de Dieu, tel est Louis IX, Saint Louis.
Il a au cours d’une longue maladie fait le serment de prendre La Croix, mais en lui cohabite la foi brûlante avec un esprit méthodique. Il préparé l’expédition avec le soin d’un véritable ingénieur, afin de mettre toutes les chances de son côté. La Méditerranée ne possédant à l’époque aucun port suffisant, il a fait bâtir Aigues-Mortes, aux remparts imposants. Il a réunit une impressionnante quantité de machines de guerre et de gigantesques approvisionnements. Saint Louis est accompagné de son épouse, Marguerite de Provence, de ses frères, Alphonse de Poitiers, Charles d’Anjou et Robert d’Artois et de hauts seigneurs royaume, ainsi que de plus modestes personnages tel Jean, sire de Joinville.
Notre flotte touche terre à Limasol sur l’île de Chypre le 17 septembre, Henri premier de Lusignan, roi de l’île, accueille Saint Louis à bras ouverts., c’est là que nous attendons les renforts en hommes et en chevaux.avant de voguer su Damiette, premier objectif de la reconquête.
Nous arrivons en vue des murailles de Damiette le 4juin 1249, gardée par l’armée du sultan du Caire bien renseigné sur notre arrivée. Notre armée,  hérissée de piques, étincelantes, de heaumes, de boucliers, de bannières, attend sur la plage. Saint Louis réunit le conseil de guerre à bord de la nef royale baptisée « Montjoie »; plusieurs chevaliers proposent d’attendre que tous les vaisseaux soient arrivés de même que l’escale de Chypre devait éviter la dispersion; mais le roi est d’avis d’attaquer sur l’heure, afin que l’ennemi ne puisses se ressaisir, c’est alors qu’il prononce ces mots:

« Mes fidèles amis, nous serons invincibles si nous sommes inséparables dans notre charité.Je ne suis pas le roi de France, je ne suis pas la Saint Eglise, c’est vous qui êtes l’un et l’autre. Je ne suis qu’un homme dont la vie finira comme la vôtre quand il plaira à Dieu. Si nous sommes vaincus, nous sommes martyrs, si nous triomphons, la gloire de Dieuen sera exaltée, aussi que celle de la France, aussi celle de la chrétienté même. »

Le lendemain on tente le débarquement, les grands navires ne pouvant approcher en raison de leur tirant d’eau, on s’entasse dans de petites barques par grappes de combattants; d’autres sautent à la mer, avec leur cotte de mailles, et tout ce monde s’avance en direction de la cavalerie et de l’infanterie sarrasines. 
Les archers et les arbalétriers ennemis tentent d’opposer rideau de flèches; les francs répondent par un contre-tir aussi dru, et forcent le barrage, les uns baignant dans l’eau. Jusqu’aux aisselles  ou jusqu’à la ceinture selon les endroits.
Pour ma part je me met à l’eau avec les deux grands destriers de combat de mon maître Jocerand, avec grande crainte de me noyer, ayant de l’eau jusqu’au menton, alors qu’on ne m’a jamais appris à nager; d’ailleurs ce sont plutôt les chevaux qui m’entraînent vers la plage, pressés qu’ils sont de retrouver la terre ferme.
Quand mon maître se met en selle, les premières lignes des francs atteignent le rivage en nombre, les sarrasins chargent alors furieusement mais viennent s’embrocher sur les buissons de piques dardées, puis démoralisés par la mort de leur émir, soudain ils tournent brident et s’enfuient, sans doute épouvantés par le spectacle de cette flotte qui grandit de minute en minute, de cette multitude héroïque fendant les eaux, fonçant vers la plage, avec ses armes et ses cuirasses, vision effrayante et superbe.
Sans doute, le fait le fait d’être privés de leurs chefs expliquait-il le trouble des sarrasins, cependant leur fuite précipitée, les conséquences qu’elle eut aussitôt, paraissent incroyables, inexplicables. Un traître du camp adverse vint prévenir le roi que Damiette était abandonnée par ses défenseurs, et que ceux-ci s’étaient repliés vers le sud, laissant la place à qui voulait la prendre. Saint louis hésitait à croire cet homme, flairant un piège subtil; comment admettre que « la clef de l’Egypte »tombât, presque sans bataille, aux mains des francs? Mais bientôt la nouvelle lui parvient que ses avant-gardes ont effectivement investi la ville et que sa bannière flotte déjà sur l’une des maîtresses tours. Il fait donc son entrée solennellement le 6 juin dans une cité dont les remparts, les réserves de nourriture et de munitions sont intacts. Les fuyards, dans leur hâte, n’ont rien emporté, pas même leurs trésors; le roi s’empressa de convertir les mosquées en églises, afin de remercier le ciel de ce qu’il considérait comme une prise miraculeuse.
C’était là mon premier combat livré le coeur  battant, et mon premier contact avec la terre du levant; je n’ai d’ailleurs pas eu à combattre,  l’ennemi ayant été tenu à distance par nos archers, je n’ai fait que préparer les chevaux de Messire Jocerand, et l’aider à changer de montures entre les deux assauts qui ont mis en fuite les sarrasins.
Je me retrouve, au soir de la bataille  à manger sous les remparts de Damiette, avec mes amis gascons notamment celui qui a entendu parler d’un valeureux guerrier bourguignon qui pourrait être mon frère que j’essaie de retrouver; je lui fais raconter encore une fois le peu qu’il a entendu sur un étrange et redoutable guerrier dont on parlait dans les faubourgs d’Antioche   après la funeste chute du château du gué de Jacob. Nous entendant évoquer la légende du gladiateur bourguignon un croisé du nom de Valérien de Sainte Eulalie se joint à la discussion; lui aussi a participé à la dernière croisade et il a entendu des frères templiers évoquer les prouesses d’un croisé héroïque se battant seul contre dix sarrasins, celui ci serait tombé aux mains des infidèles en résistant bravement à leurs assauts, sans q’on sache s’il est mort ou s’il a été fait prisonnier; ce témoignage nouveau me remplit d’espoir: et si mon frère était vivant s’il avait survécu à ses blessures, et si sa bravoure et sa ténacité avaient incité les infidèles à en faire un combattant pour leur armée, qui sait. Je m’endors le coeur plein d’espoir, car c’est peut être le souvenir de mon frère qui perdure dans le souvenir de ces guerriers.

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