Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le temple.

"Quand tu laboures tu ne peux pas aller plus vite que ton cheval" (mon père).

La commanderie :
La campagne est sublime en ce mois de septembre 1994, la terre gorgée du soleil de l’été s’apaise, dans cette campagne du sud ouest, les terres sont labourées, la terre ocre, comme une femme dans la force de l’âge, offre le meilleur d’elle même, les fruits, les pampres, les couleurs, je suis devant une vision de la terre promise ou de jardin d'éden.

 

La terre bonne, généreuse et prolixe qui rend à l’homme humble le centuple de son talent.
Je médite ou plutôt je suis absolument disponible, à la fois parfaitement détendu, l’esprit souple et pourtant aiguisé, parfaitement conscient et maître du monde qui m’entoure et cependant parfaitement immobile et inactif.

Il est dix-sept heures. Les derniers soleils de septembre incendient la nature dans son apothéose de couleurs et de fruits; j’ai passé la journée à alterner prières, repas, séances de cours et méditations dans ce centre de l’ordre du temple.

Je viens de participer à une prière avec les frères, prière au cours de laquelle, comme chaque fois, je ressors subjugué, regonflé, plein d’énergie, de volonté et de sérénité, prêt pour réformer ce vieux monde qui agonise dans ses dernières convulsions.

Pourtant les maîtres l’ont dit, rien ne sert de se presser, les temps ne sont pas encore mûrs, la situation économique et sociale, mais surtout spirituelle n’est pas encore assez dégradée pour que nous soyons réellement efficaces ou crédibles nous devons nous préparer pour les temps à venir, pour le "kali-yuga".

Je reste immobile de longues minutes, parfaitement serein, en union profonde avec ce paysage qui me fait face, ces collines, ces coteaux et ces vallons aux lignes parfaitement tracées, ces champs aux sillons réguliers, aux limites bien marquées entre champs et forêts, prés et vergers.

Je ne veux rien, je ne demande rien, je suis parfaitement déconnecté de tous désirs, un pur canal pour l’énergie, un serviteur complètement disponible, une vacuité totale au service du tout puissant.

Je suis là en train de vivre l’expérience de non dualité, libre et en accord avec la nature, libre et serviteur à la fois, libre de mes limitations humaines car conscient de celles ci.

je ne peux pas dire "j' aimerais que cet état demeure", car le temps s'est distendu, et cet instant n'en finit plus, l'idée même de sa fin ne m'effleure pas.
Toute pensée s'est abolie en moi, d'ailleurs le moi s'est aboli, le cérébral s'est dissous dans une réalité qui me dépasse et m'engloutit, à la fois incontrôlable et pourtant maîtrisée, comme le "surfer" sur une vague géante, je suis tout.

L’abordage:
J’étais rentré dans l’ordre, deux ans plus tôt, un dimanche matin un beau dimanche de juin, après que Luc, mon recruteur m’ait fait languir deux longues semaines.

Il m’avait abordé dans les rayonnages de la bibliothèque municipale de Chalon, dans le rayon politique; je cherchais des livres sur un complot quelconque, ou une affaire d’état étouffée, ou je ne sais quel épisode de la guerre; j’avais déjà, à cette époque de mes dix huit ans, cette disposition d’esprit pour mettre en doute, me questionner, rechercher l’intrigue, et un goût prononcé pour tout ce qui est secret, caché sulfureux.
A quoi Luc m’a t il repéré, à quel indice? Peut être simplement par mon apparence un peu mystérieuse, je me trimballais parfois avec une grande cape noire, trouvée dans le grenier familial, et ayant appartenue à mon grand père paternel ; peut être dois-je mon enrôlement à un détail encore plus trivial, à l’époque, j’avais encore mon visage d’angelot, et un petit cul, de plus c’était l’époque des jeans moulants et le maître, je le verrai plus tard était amateur…

Remous:
J’étais maintenant templier, écuyer, pas encore chevalier, toutes les fins de semaine nous nous retrouvions chez le maître pour prier, méditer, étudier les cours reçus par courrier, pour partager un repas souvent.
Nous nous retrouvions également sur des sites templiers, nombreux en Bourgogne, ou dans des chapelles romanes, pour mon plus grand bonheur, afin de retrouver l’esprit, la vibration, laissés il y à des siècles par les chevaliers qui avaient prié ici.
Vient le temps de mon passage, je vais accéder au grade de chevalier, au cours d’une cérémonie tenue par de hauts dignitaires, venus de Belgique tout exprès, me dit-on, il faut être là, mon initiation est prévue, je ne dois pas me laisser influencer ou freiner dans mon évolution par le matérialisme, ou encore pire par la sentimentalité.
Pour des raisons qui m’échappent, la cérémonie n’aura pas lieu, des dissensions, des conflits au sein de l’ordre en perturbent le fonctionnement, j’apprendrai plus tard que Luc Jouret et Di Mambro sont en train de faire une OPA sur notre ordre et vont le rebaptiser « ordre du temple solaire ».

Epilogue:
Je savoure donc la plénitude de l’instant, gonflé des bienfaits de mon créateur, sous le doux soleil automnal, dans le grand parc, face à la tombe du grand maître, Julien Origas, le fondateur de "l'ordre rénové du temple"; j’écoute, je vois, je sens la présence divine par tous les pores de mon être, je suis heureux.

Nous avons une dernière séance de prière, avant la fin du stage, dans la chapelle du château. A la fin de la cérémonie, nous sommes tous convoqués, à une réunion d’importance, dans une commanderie de l’Isère, dans quinze jours.

Pour une raison qui reste obscure, je ne me rends pas à la réunion; le lendemain j’apprends par la télévision la tuerie du Vercors à Saint-Pierre-de-Chérennes, je connaissais presque tous les frères assassinés, je me dis que mon ange gardien fait bien son travail, merci à lui.

 

Commentaires

  • content que ça t'est plu, bisous.

Écrire un commentaire

Optionnel